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Que se racontent les limousines, le soir dans leur entrepôt?

Holy Motors, élu film de l'année 2012 par les Cahiers du cinéma. L'acteur principal de ce métrage est Denis Lavant qui se livre - le temps d'une journée - à se glisser dans la peau de nombreux personnages, empruntant onze identités aux antipodes les unes des autres en traversant tout Paris en limousine. La structure narrative rappelle aisément Cosmopolis de David Cronenberg sorti la même année dans lequel Robbert Pattinson, lui aussi à l'arrière d'une limousine, se dirige en l'espace d'une journée à de nombreux rendez-vous, à l'exception que celui-ci passe davantage de temps dans le véhicule que Denis Lavant. Ce dernier film de Leos Carax rappelle aussi Collatéral de Michael Mann (2004) dans lequel Tom Cruise se rend à différents endroits afin de commettre des assassinats en vingt-quatre heures.

 

La dimension poétique et l'intérêt pour la beauté de ce film contrastent avec un certain désespoir et semblent devenir des nécessités afin de (sur)vivre tant la vie semble dénuée de sens et donc absurde. C'est un film romantique – au sens premier du terme – où l'auteur tente de nous faire réfléchir sur ce qu'est la beauté de l'art ou plutôt sur l'oubli de celle-ci par les spectateurs d'abord mais aussi par l'Homme en général; s'enfermant presque dans un état végétatif, regardant les choses sans vraiment les regarder, entendant sans écouter. Le jeu de Denis Lavant est bluffant par son éclectisme ; incarnant tour à tour des personnages complexes de par leurs différences, allant d'un homme d'affaires plein de certitudes à une mendiante roumaine au dos courbé ou encore au célèbre M. Merde, un affreux personnage transgressif et insolent. D'ailleurs, la scène où celui-ci kidnappe Eva Mendes est riche en symboles et impertinence ; d'abord du fait de montrer un homme en érection sans tabou au cinéma et ensuite de celui de faire défiler sur des talons un top model maquillée mais aussi voilée et de l'afficher à côté d'un homme nu dont le désir sexuel se voit. Cette scène est une des scènes les plus oniriques de Holy Motors que l'on peut donc considérer comme un film-rêve, pourtant bien ancré dans une réalité tanguant entre joie et chaos.

 

Enfin, c'est la mise en scène de Carax, son travail sur les lumières et surtout sa réflexion sur ce que sont l'identité et la place du spectateur d'art de nos jours qui rendent ce long-métrage déroutant et séduisant. Quelques images du film reviennent à l'esprit à maintes reprises dans les semaines et mois après la vision de Holy Motors, tant il ne cesse de nous faire réfléchir.

 

13 août 2013

Ivo Da Silva Santos

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