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Human Desire

Tout porte à croire qu'il existe un certain point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement.

- André Breton

 

Lors de sa projection au Festival de Cannes, Jean Cocteau qualifie Él comme le suicide cinématographique de Luis Buñuel. Un suicide cinématographique installé dans la logique hollywoodienne du cinéma commercial mexicain des années 50.

 

D'autre part, Pere Portabella, réalisateur catalan et producteur des films tels que Los golfos (1959) de Carlos Saura, El cochecito (1960) de Marco Ferreri et Viridiana (1961) de Luis Buñuel, affirmait à propos du parcours de ce dernier que même s’il serait devenu une partie de l’Histoire grâce à ses deux premiers films, Un chien andalou (1929) et L’Âge d’or (1930) il aurait été reconnu au delà de ses deux premières productions comme un des réalisateurs classiques du cinéma mondial. Mais peut-on réduire sa production à une étape moderniste et une autre plutôt classique? Est-ce que Buñuel, représentant du cinéma surréaliste refuse ses acquis cinématographiques pour s’adapter au système de production mexicain? Ou au contraire cette période de production commerciale, parfois méconnue et méprisé, n’est-elle pas plus créative puisqu’il s’agissait de continuer à faire un cinéma toujours personnel malgré les contraintes?

 

Je crois que Buñuel pense que les gens sont des imbéciles mais que la vie est amusante.

- François Truffaut

 

Si bien que parmi les films de cette étape, certains on été considérés comme des chef-d’œuvres, notamment Él et Ensayo de un crimen, et ont exercé une très forte influence sur des cinéastes qui vont suivre, de Hitchcock à De Palma sans oublier l’espagnol De la Iglesia, il ne faut pas faire la différence entre deux cinématographies radicalement différentes mais plutôt penser à la totalité d’une œuvre très personnelle, d’un réalisateur qui fait rimer ses films en semant des échos, des motifs, d’une façon si bien maitrisée qu’elle nous permet de nous rendre compte de son génie.

 

Il s’exerce en son style personnel qui va du surréalisme des années 30, qui passe par les influences rimbaldiennes, lautréamontiennes, sadiennes et freudiennes, tamisées par un filtre catholique, de culpabilité constante mais que le maître gère avec un humour ironique et une volonté de scandale très fidèle à son esprit. La formation petit-bourgeoise chrétienne sous- jacente ne nous permet pas de supporter encore aujourd’hui les propositions de son œuvre. L’impudeur et la manière dont il aborde la religion et la sexualité lui restent propres : même si les conditions de travail le limitent, l’astuce scénaristique et sa fantaisie débordante lui permettent de concevoir ses film entre le réel et l’imaginaire. La façon dont il aborde la société, le peuple, la bourgeoise, les classes, l’anticléricalisme, le sexe et l’idéologie font remettre en question aux spectateurs leur propre parcours intime. Mais son genie demeure aussi dans sa capacité à nous plaire, à nous séduire et à nous instruire sans être pédagogue.

 

Monsieur Buñuel est terrible.

- Jean Vigo

 

La libre association, recours de la modernité cinématographique, s’instaure dans son cinéma comme une association drôle, faite avec beaucoup d’humour et d’ironie tout en laissant toujours ouvert le sens de ce qu’on voit, de ce qu’on croit savoir.

Ses obscurs objets du désir deviennent les nôtres, nous sommes persuades d’avoir urgemment un besoin constant qui est toujours castré, frustré, nous avons les ailes coupées. Et c’est dans cette culture du besoin et du frustré que son cinéma se situe en parcourant les traces historiques du désir, de Millet et Veermer à Lorca et Wagner, de Valdés Leal à Benjamin Peret, d’Artaud au Christ.

 

Les oppositions dans ses films sont aussi les oppositions de sa personnalité. Entomologiste qui hait les araignées, un athée qui parle de Dieu tout le temps, un ami des armes incapable de tuer quelqu’un, un sourd qui aime l’opéra, un bourgeois révolté, mais aussi un réalisateur qui affirme ne pas aimer le cinéma. Son ironie n’est pas morale, elle lie deux mondes qui ne se communiquent pas, il s’exprime grâce au cinéma auquel il insuffle son honnêteté, un espagnol exilé qui clame, sur le dos de Rocinante, une ode à la liberté et l’harmonie de l’homme avec la Nature dans le mythique Âge d’Or.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
27/7/14
Nicolás Marín

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