top of page

Les Vieux Souliers

La générosité et l’humilité du regard de Wang Bing consiste à décrire le quotidien infiniment précaire de trois très jeunes soeurs uniquement à travers la matière que capte le numérique. De leur maison aux murs charbonneux aux étendues humides du plateau du Yunnan, tout apparaît sous cette tonalité mate imposée par un ciel perpétuellement couvert.


Les trois individus, minuscules points dans le paysage, semblent pourtant des géants, filmés par une caméra à hauteur d’enfant. La routine décrite dans ses moindres gestes précis -porter des sacs de pomme de terre plus grands qu’elles, sécher ses habits et chaussures trouées, écraser les restes de nourriture pour les rendre comestibles par les animaux domestiques…- se change alors en épopée brute.


La pudeur du filmage nous laisse entrevoir cependant la solitude de ces enfants (le père rarement présent à cause de son emploi en ville, la mère ayant fui depuis longtemps la campagne), en particulier celle de Yin, dix ans, l’aînée, à part, même dans les grands rassemblements familiaux.


Le geste dans Les Trois Soeurs du Yunnan à l'instar de celui d'À l'ouest des rails de Wang Bing est en somme celui de nous montrer l’existence des oubliés de la société contemporaine (en l’occurrence celle de la Chine) et leur dénuement scandaleux.
 

24 juillet 2014

Pierre Philippe

<

bottom of page