top of page

Fabriquer une apparition

On a largement critiqué les twists finaux du Village de Shyamalan en accusant leur prévisibilité. Pourtant, au delà du fait qu'ils n'endommagent en rien une deuxième vision du film (au contraire, comme pour Le Sixième Sens et à l'instar de Lynch, Shyamalan travaille la structure de l'anneau de Möbius mais quant à lui a travers une forme linéaire et c'est un bonheur de constater la réversibilité logique de certaines scènes, exemple : la scène du restaurant entre époux dans Le Sixième Sens), les retournements qui ornent la fin du Village semblent des outils sculptant la beauté mystérieuse d'une apparition : quand au milieu des bois, la créature attaque Ivy, le monstre cristallise tous les affects endurés auparavant et, alors qu'on nous a révélé que les créatures n'étaient que des leurres, ici la raison hésite, s'interroge. Hallucination ?


Les questions sont pétrifiées par un présent opaque tandis que la bête semble être le résidu mental du conditionnement des villageois et incarner la peur elle-même.

 

Le génie du scénario est d'intercaler entre la mort de la bête et le triomphe de Ivy victorieuse la découverte de la fugue de Noah. Bien sûr, Ivy ne peut pas voir son ami. Le thriller se change en tragédie. On a d'ailleurs reproché à Shyamalan une certaine mièvrerie. Pourtant, sa naïveté de grand conteur, un lyrisme exacerbé sont les antidotes bienvenus à cette époque où les films s'emplissent de cynisme, de second-degré et de calcul, à ce désenchantement général qui a trop peur du ridicule.

 

Il n'est qu'à revoir cette course de deux amants qui se touchent pour la première fois au son d'envolées de violons et dans un ralenti flottant alors que le monde autour semble s'effondrer.

 

22 décembre 2013

Pierre Philippe

<

bottom of page